Traduit de l’anglais par Melanie Beauchesne.
La géo-ingénierie est l’une des propositions de lutte contre les changements climatiques les plus controversées. L’idée consiste à manipuler l’atmosphère de la Terre à grande échelle pour contrer la hausse des températures.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Université de Washington plaident en faveur d’une méthode de géo-ingénierie connue sous le nom d’éclaircissement des nuages marins. La technique consiste à pulvériser de l’eau salée dans les nuages marins en basse altitude, où elle contribuera à créer plus de nuages qui reflètent la chaleur dans l’espace.
La réalisation de petites expériences contrôlées pour étudier l’éclaircissement des nuages marins fournirait des données sans précédent pour comprendre les effets des aérosols sur la formation des nuages et la réflexion de la lumière du soleil qui en résulte, affirment les scientifiques de l’Université de Washington dans le journal Earth’s Future.
L’effet des nuages sur le climat est l’une des plus grandes incertitudes dans les modèles climatiques d’aujourd’hui. Les chercheurs en climat croient que l’augmentation de la pollution depuis la révolution industrielle a créé des nuages plus brillants et réfléchissants. Mais ils ne comprennent pas la portée de cet effet.
Les chercheurs affirment que nous avons besoin d’effectuer des expériences plus contrôlées afin de mieux comprendre les processus physiques qui contrôlent les nuages et leur sensibilité aux émissions anthropiques. En exécutant une série d’expériences à petite échelle, dans lesquelles des quantités connues de particules sont injectées dans la couche limitrophe marine, ils devraient être en mesure d’observer l’impact des particules sur les propriétés des nuages et de comparer celles-ci à celles des nuages formés naturellement.
Les chercheurs développent actuellement un embout qui peut transformer l’eau salée en minuscules gouttelettes et pulvériser des milliards de ces particules d’aérosol par seconde dans l’atmosphère. C’est la première étape de leur plan triennal.
Une fois que le pulvérisateur aura été développé, ils proposent de le tester en laboratoire ; effectuer des essais préliminaires sur le littoral à Monterey Bay ; et finalement passer à des tests en mer. Si ces essais à petite échelle de la technologie fonctionnent, ils espèrent que des versions à plus grande échelle pourraient éventuellement être déployées sur de plus vastes étendues de l’océan.
Ce n’est pas le seul test de géo-ingénierie en cours. L’équipe du physicien de Harvard, David Keith, a récemment recueilli des fonds pour mener un petit test de géo-ingénierie afin de diminuer la lumière du soleil. Ils envisagent de libérer environ un kilogramme de carbonate de calcium ou autres matériaux à partir d’un ballon en haute altitude pour voir comment cela affecte la physique de l’atmosphère. Keith a soutenu récemment dans un livre que nous devons comprendre totalement la géo-ingénierie avant de s’y plonger.
Modifier délibérément l’atmosphère de la planète soulève de nombreuses questions techniques et éthiques. La réflexion de la lumière du soleil pourrait affecter les productions agricoles et les rendements des panneaux solaires, par exemple. Cela pourrait provoquer des effets secondaires imprévus beaucoup plus dramatiques. Les experts craignent également que cela nuise aux efforts visant à réduire les émissions de carbone.
Thomas Ackerman, professeur de sciences de l’atmosphère de l’Université de Washington et auteur d’une nouvelle étude, a déclaré dans un communiqué de presse : « Il y a la question scientifique de pouvons-nous le faire, mais il y a aussi une question éthique du devrions-nous le faire, et une question politique sur comment le ferions-nous. Je suis agnostique à ce sujet. Je veux tester la géo-ingénierie et voir si cela fonctionne. Mais pendant que nous travaillions là-dessus, je pense qu’il faut toujours se demander : “Devrions-nous le faire ?” »
Source: Robert Wood et al. Could geoengineering research help answer one of the biggest questions in climate science? Earth’s Future. 2017.
Photo: John MacNeill