Traduit de l’anglais par Juliette Colinas
Google Trends, l’outil de recherche de données qui permet d’explorer les tendances historiques des termes recherchés, n’offre pas une fenêtre parfaite sur la conscience culturelle. Les données sont trop nébuleuses pour cela. Il offre, cependant, une lumière utile, bonne pour percevoir des motifs et se questionner sur ce qui pourrait les expliquer. Dans cet esprit : les gens sont-ils moins intéressés par la biodiversité aujourd’hui qu’il y a dix ans – et si oui, pourquoi?
Dans une étude publiée dans la revue Biodiversité et Conservation, Andreas Troumbis, directeur du Laboratoire de gestion de la biodiversité à l’université de l’Égée, a analysé la fréquence des recherches Google qui incluaient le mot « biodiversité » entre 2004 et 2014. Au terme de cette période, la fréquence du mot était environ un tiers plus faible qu’à son début. Cela ne semble pas être une anomalie statistique, écrit Troumbis. La tendance représente un fait réel. Il semble que l’intérêt du public envers la biodiversité ait décliné alors même que les menaces qui pèsent sur elle se sont amplifiées.
C’est une façon de voir les choses. Une autre, celle que Troumbis lui-même privilégie, est de situer cette tendance dans un contexte social plus large. Les années couvertes par l’étude comprennent une récession économique mondiale intercalée entre deux périodes de relative prospérité. La fréquence du terme biodiversité était la plus haute au départ, a décliné au cours de la récession, a ensuite touché le fond et puis a remonté lorsque la récession a pris fin. « Ce que nous observons en réalité est un cycle d’intérêt qui fait écho au cycle économique », dit Troumbis.
Plutôt que de représenter un déclin constant, la tendance pourrait alors être l’aperçu d’une attention fluctuante, qui diminue lorsque l’économie est en difficulté, et croît lorsqu’elle est prospère. Cela ne signifie pas que les gens se soucient moins de la biodiversité maintenant qu’ils le faisaient auparavant; plutôt, elle tend à être une préoccupation moins immédiate. Les inquiétudes quant à l’emploi, les pensions et la stabilité sociale sont prioritaires.
Indépendamment de laquelle de ces deux explications – un déclin constant de l’intérêt, ou un intérêt durable mis de côté par les circonstances économiques – est la plus juste, Troumbis croit qu’elles indiquent toutes deux le même problème : la façon dont les chercheurs, les défenseurs de l’environnement et les législateurs discutent de la biodiversité. La biodiversité, dont le concept formel et le principe organisateur ne remontent qu’aux années 1980, « est une construction technocratique et politique très complexe », dit-il. « Elle est trop compliquée pour que le citoyen ordinaire puisse faire des distinctions et assigner des valeurs et des utilités ».
Les sondages montrent que seulement un peu plus du tiers des Européens savent ce que la biodiversité signifie en réalité, note Troumbis. Elle est également perçue comme distincte des questions économiques et utilitaires, bien que celles-ci soient en fait profondément influencées par le monde naturel. La biodiversité semble donc avoir un problème de communication. Une façon de favoriser la biodiversité, dans ce cas, serait peut-être de trouver de nouvelles façons d’en parler.
Source: Troumbis, Andreas. « Declining Google Trends of public interest in biodiversity: semantics, statistics or traceability of changing priorities? » Biodiversity and Conservation, 2017.
Image: Rick Harris / Flickr