À quel moment débute le décompte fait une grande différence pour les changements climatiques

par Sarah DeWeerdt | 1er août 2017

Traduit de l’anglais par Melanie Beauchesne

Les émissions de carbone du début de la révolution industrielle ne sont souvent pas prises en compte, mais elles peuvent avoir des conséquences importantes, selon une analyse publiée la semaine dernière dans Nature Climate Change.

Selon l’étude, la faible augmentation de la température qu’auraient causé ces émissions précoces réduit considérablement le budget carbone mondial – soit la quantité de gaz à effet de serre que nous pouvons produire collectivement dans l’avenir, tout en évitant des augmentations néfastes de la température moyenne mondiale.

Les discussions sur les changements climatiques comparent souvent l’augmentation de la température aux données « préindustrielles ». Par exemple, l’accord de Paris de 2015 s’engage à maintenir « l’augmentation moyenne de la température nettement en dessous des 2 °C degrés par rapport aux niveaux préindustriels ».

Le problème est que la signification de « préindustriel » est souvent mal définie. La ligne directrice la plus couramment utilisée est la période entre 1850 et 1900. Mais la révolution industrielle était déjà entamée bien avant cela. Et si les températures avaient déjà commencé à augmenter avant cette période ?

Ce n’est pas une question scientifique banale. « Peu de mesures instrumentales des températures existent avant le 19e siècle, et celles-ci sont concentrées dans l’hémisphère Nord », écrivent les chercheurs. En d’autres mots, le moment précis de notre capacité à affecter le climat mondial est un peu trop parfaitement aligné avec celui de notre capacité à mesurer ces effets.

De plus, le climat mondial subit des fluctuations naturelles, de sorte que plus nous reculons dans le temps, plus il en devient difficile de s’assurer de la pertinence du point de comparaison des températures sur ce que le climat de la Terre aurait été aujourd’hui en l’absence d’intervention humaine.

Les chercheurs ont utilisé des modèles informatiques sophistiqués sur le climat mondial pour s’attaquer à cette question. Ils ont utilisé sept modèles différents pour exécuter 23 simulations de températures entre 1401 et 1800.

Dans l’ensemble, ces analyses suggèrent qu’il est possible que la température n’ait pas encore commencé à augmenter à la fin du 19e siècle, ce qui en ferait une période de référence raisonnable. Mais il est également plausible que les activités humaines aient déjà fait augmenter la température moyenne d’environ 0,2 °C à la fin de cette période.

Les chercheurs ont ensuite calculé l’effet de ce réchauffement pré-1850 sur les probabilités d’éviter une augmentation totale de la température moyenne globale de 1,5 ou 2 °C dans différents scénarios d’émissions.

Comment « préindustriel » est défini fait peu de différence si les émissions actuelles continuent sans relâche ou si les réductions d’émissions sont modestes, ont révélé les chercheurs. Ceci est du fait que nous sommes situés quelque part entre « très probablement » et « presque certainement » qu’il y aura dépassement de ces seuils de température, peu importe la période de référence.

Si par contre, nous parvenons à mettre en œuvre des réductions radicales des émissions, le choix de la période de référence importe beaucoup. Si la période de 1850 à 1900 était déjà 0,2 °C plus chaude qu’une véritable comparaison préindustrielle, alors la possibilité d’éviter le seuil des

1,5 °C passe de 40 % à environ 12 % même avec réductions d’émissions extrêmes. La possibilité d’éviter les 2 °C passe donc de 75% à 70%.

« Les objectifs d’atténuation basés sur l’utilisation d’une période de référence de fin 19e siècle sont probablement trop optimistes et peuvent potentiellement sous-estimer considérablement les réductions des émissions de carbone nécessaires », écrivent les chercheurs. « Le réchauffement précoce relativement petit peut également avoir des impacts dramatiques sur les budgets cumulatifs de carbone », ajoutent-ils.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a calculé que, pour rester à moins de 2 °C de réchauffement total, l’humanité pouvait émettre 820 gigatonnes de carbone après 1870. À partir de 2011, 305 gigatonnes de ce carbone restaient à émettre.

En d’autres termes, un ajustement apparemment mineur dans lequel nous établissons la ligne entre les époques industrielle et préindustrielle élimine 20 % de notre budget carbone restant pour demeurer en dessous du seuil de réchauffement de 2 °C – 40 % si le réchauffement précédent était de plus de 0,2 °C. Et bien sûr, les coupures sont encore plus grandes si nous voulons rester en dessous d’une augmentation de température de 1,5 °C.

Les chercheurs suggèrent que les scientifiques du climat doivent parvenir à un consensus mieux défini sur la signification de la période « préindustrielle ». Entre temps, leurs calculs nous montrent à quel point nos plans d’atténuation climatique les mieux définis peuvent tout de même mal tourner.

Source: Schurer AP et al. “Importance of the pre-industrial baseline for likelihood of exceeding Paris goals.” Nature Climate Change. 2017

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