En élevant le poisson dans l’océan, le monde pourrait de loin surpasser ses besoins en produits de la mer

Traduit de l’anglais par Juliette Colinas.

Si nous commencions à élever le poisson dans toutes les zones au large des côtes qui sont convenables, nous pourrions techniquement produire suffisamment pour couvrir 100 fois nos besoins actuels en produits de la mer, a révélé une nouvelle étude. Écrivant dans Nature Ecology and Evolution, un groupe de chercheurs a démontré que cette forme de production de nourriture a le potentiel de résoudre certains de nos défis les plus urgents en matière de sécurité alimentaire, et également d’atténuer la pression sur les pêcheries des espèces sauvages.

L’élevage du poisson et des bivalves – appelé aquaculture – a reçu une attention accrue au cours des dernières années, en tant qu’un des moyens possibles d’assurer une production de protéines suffisante pour la population mondiale en pleine expansion. « Les océans représentent une incroyable opportunité pour la production de nourriture, mais l’environnement de pleine mer est largement inexploité en tant que ressource agricole », ont écrit dans leur article les chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara. Leur étude est la première à fournir une estimation de ce potentiel inexploité.

Pour ce faire, ils ont d’abord sélectionné 180 espèces de poisson et de bivalves telles que les huîtres et les mollusques. Ils ont ensuite choisi des habitats d’aquaculture appropriés en fonction des conditions dont ces espèces ont besoin pour prospérer, telles que la profondeur et la température de l’eau. Ensuite, les chercheurs ont éliminé d’autres types d’habitat inapproprié pour l’aquaculture – telles les zones de réserves marines, les zones de haut trafic de transport maritime, et les eaux de plus de 200 mètres de profondeur où il serait trop coûteux de baser des piscicultures.

À travers ce processus d’élimination, les chercheurs ont pu identifier des zones particulièrement propices à travers le monde – trouvant près de 13 millions de kilomètres carrés de zones pélagiques qui conviendraient à l’élevage de poisson et de bivalves. Ensemble, ces eaux productives pourraient produire plus de 15 milliards de tonnes de produits de la mer chaque année, surpassant cent fois nos besoins alimentaires actuels en produits de la mer. L’étude a également trouvé que tout pays côtier peut subvenir à ses besoins intérieurs en produits de la mer seulement en utilisant un faible pourcentage de ses eaux côtières – ce qui permettrait d’assurer la sécurité alimentaire, mais aussi de réduire la dépendance aux importations. Si seulement un pourcent du littoral indonésien était consacré à l’aquaculture, par exemple, il pourrait produire 24 millions de tonnes de poisson par an, soit plus que suffisamment pour satisfaire l’appétit national pour les produits de la mer.

L’élevage du poisson à cette échelle pourrait aussi relâcher la pression sur les pêcheries d’espèces sauvages, qui sont menacées par les changements climatiques – et qui, avec la surpêche, sont aussi la cause du déclin de ces populations. L’aquaculture n’est pas nécessairement une solution sans failles, cependant : les fermes piscicoles ont acquis une mauvaise réputation au cours des dernières décennies, avec leurs impacts de pollution par les nutriments et de dissémination de maladies et parasites depuis les espèces élevées vers les espèces sauvages. Conscients du problème, les chercheurs soulignent que le développement de l’aquaculture devrait être aligné de près aux pratiques et politiques de protection de l’environnement. L’élevage du poisson est aujourd’hui le secteur de production alimentaire qui croît le plus rapidement; il est important de se demander comment diriger cette croissance de façon durable afin de limiter les risques environnementaux potentiellement considérables, disent-ils.

Mais avec l’échelle et la productivité potentielles énormes de l’aquaculture, il est tout de même évident que les pays pourraient théoriquement protéger l’environnement tout en maximisant les profits. Selon l’auteur principal, Rebecca Gentry, « Il y a tant de surface disponible qu’il y a beaucoup de marge de manœuvre pour penser aux moyens de faire cela de la façon la plus adéquate possible pour la conservation, le développement économique, et d’autres usages. »

Source: Gentry et. al. « Mapping the global potential for marine aquaculture. » Nature Ecology and Evolution. 2017.

Image: Asc1733 via Wikimedia Commons

Share This Article