Traduit de l’anglais par Juliette Colinas.
Un groupe de chercheurs de l’Université Rice affirme que si les agriculteurs appliquaient du biochar à leurs sols – un type de charbon fait à partir de produits agricoles dérivés recyclés, tels que le fumier et la biomasse végétale – ils pourraient substantiellement limiter les émissions agricoles qui polluent l’air et nuisent à la santé humaine. En fait, l’application de biochar pourrait permettre aux États-Unis d’économiser plusieurs centaines de millions de dollars en coûts de soins de santé annuels, estiment-ils.
Le biochar est habituellement appliqué aux cultures afin de réintroduire les substances nutritives dans le sol et d’accroître les rendements. Il contribue également à limiter les effets des engrais azotés, en stockant l’azote plutôt que de le laisser se décomposer dans le sol. Lorsque l’azote se décompose, il relâche des émissions toxiques telles que de l’oxyde d’azote (N2O), un puissant gaz à effet de serre. Les chercheurs savent déjà que le biochar aide à atténuer cette menace en préservant le N2O en confinement – cependant, nous connaissons moins ses impacts sur un autre sous-produit des fertilisants qui est tout aussi insidieux, appelé l’oxyde nitrique (NO).
Ce gaz toxique et polluant contribue à la formation du smog et des pluies acides, des formes de pollution qui génèrent des problèmes de santé tels que l’asthme. Il est typiquement associé à la combustion de carburant dans les voitures et les centrales électriques, si bien que les sources agricoles de NO ont, jusqu’à présent, été relativement peu étudiées. Les experts partent du principe que le biochar aiderait à piéger ce sous-dérivé d’azote tout comme il le fait avec le N2O : les chercheurs de l’Université Rise souhaitaient découvrir si c’est effectivement le cas, et, si oui, quels sont les bienfaits sur la santé qui en découlent, comme ils le rapportent dans la revue Environmental Science in Technology.
Pour commencer, ils se sont basés sur des études antérieures montrant que le biochar réduisait les émissions d’oxyde nitrique sur les sols fertilisés entre 0 et 67 %. Interprétant la valeur supérieure comme une indication de ce qui est possible, ils l’ont insérée dans un modèle qui prédit la quantité de pollution qui pourrait être évitée aux États-Unis si le biochar réduisait effectivement les émissions des terres fertilisées à ce pourcentage. Cela a révélé que la pollution d’oxyde nitrique déclinerait de 90 000 tonnes à travers le pays chaque année.
Ensuite, les chercheurs ont traduit ces réductions d’émissions en termes d’impacts sur la santé en utilisant un autre modèle. Cela a permis de prédire que les coûts combinés sur les soins de santé diminueraient de 660 millions de dollars annuellement, en vertu d’une qualité de l’air accrue. Le Kansas, L’Ohio, l’Iowa et la Californie se sont démarqués comme les bénéficiaires principaux : dans ces états, les zones à forte densité de population qui sont situées à proximité des terres agricoles fertilisées sont actuellement affectées par le « smog agricole » qui dérive de celles-ci. Dans certains états, cette menace d’émissions pourrait être réduite d’un tiers, estiment les chercheurs, simplement en appliquant le biochar aux terres agricoles fertilisées.
« L’agriculture est une source majeure de pollution de l’écosystème et elle est responsable de près d’un cinquième de la mortalité mondiale liée à la pollution de l’air », écrivent les auteurs de l’étude – et, quand bien même, ce fait troublant n’attire pratiquement aucune attention. En établissant un lien clair entre les systèmes alimentaires et le bien-être de l’humain, ils espèrent que leur étude inspirera les législateurs à considérer le biochar comme une stratégie potentielle de gestion de la pollution liée à l’agriculture. Au lieu d’être une source de pollution, l’agriculture pourrait, ultimement, en être un puits.
Source: Pourhasem et. al. “Valuing the air quality effects of biochar reductions on soil NO emissions.” Environmental Science and Technology. 2017.
Image: Rob Goodier/E4C via Flickr