Traduit de l’anglais par Juliette Colinas
Alors que l’été fait place à l’automne, des milliards d’oiseaux volent depuis leurs aires de reproduction du Nord vers leur habitat d’hiver dans l’hémisphère sud. Sur la route, des centaines de milliers seront désorientés par les lumières nocturnes des hauts bâtiments; ils vont tourner autour jusqu’à l’épuisement ou s’écraser sur les fenêtres – fin tragique pour une odyssée aussi extraordinaire. Pour parer à cela, les défenseurs de l’environnement ont organisé des programmes d’extinction des lumières dans les villes principales – mais les bâtiments dans les zones rurales et périurbaines ont reçu peu d’attention, et pourraient poser un risque de collision encore plus élevé.
« Nos résultats suggèrent que la mortalité due aux collisions sur les grands bâtiments dans les zones rurales est souvent plus élevée que la mortalité sur des bâtiments de taille similaire dans les zones urbaines », dit Bradley Cosentino, biologiste à Hobart and William Smith Colleges. « C’est très important, car les zones rurales ont souvent des regroupements plus diversifiés que les zones urbaines. »
Dans une étude publiée dans Biological Conservation, les chercheurs dirigés par Cosentino et Stephen Hager, biologiste au Augustana College, décrivent leur étude de l’automne 2014 sur 281 bâtiments dans 40 sites à travers l’Amérique du Nord. Au total, ils ont trouvé 324 oiseaux morts appartenant à 71 espèces – pas un nombre très grand dans l’absolu, mais énorme lorsqu’extrapolé à tous les bâtiments du continent. Comme on pouvait s’y attendre, les plus hauts bâtiments ont tué plus d’oiseaux que les bâtiments plus petits, et les espèces migratoires ont eu les plus forts taux de mortalité, plutôt que les espèces locales résidentes.
Plus surprenante, toutefois, est la relation qui a été trouvée entre la mortalité et les caractéristiques du paysage local. « La mortalité due aux collisions était positivement liée à la taille des bâtiments », écrivent-ils, « mais l’effet positif de la taille des bâtiments sur la mortalité était le plus marqué dans les zones à faible taux d’urbanisation régional, et faible ou nul dans les régions à fort taux d’urbanisation. » Cela ne veut pas dire que les grands bâtiments dans les villes sont sécuritaires pour les oiseaux – ils ne le sont pas-, mais plutôt cela amplifie l’urgence de la situation pour les zones rurales, où, présument les chercheurs, les lumières des bâtiments isolés constituent des signaux lumineux particulièrement puissants, et où se trouve un plus grand nombre d’oiseaux migratoires.
Présentement, dit Cosentino, « pratiquement tous les programmes d’extinction des lumières organisés par la Société Audubon ont été établis dans les grandes villes ». Ces programmes, écrit son équipe dans Biological Conservation, doivent être implémentés « dans les villes et les bourgs de toutes tailles. » Hormis par l’extinction des lumières, les risques de collision peuvent aussi être réduits en installant des stores aux fenêtres, en utilisant des vitres non-réfléchissantes, ou en apposant des décalques ou des cordons sur les surfaces des fenêtres. De telles mesures pourraient même être intégrées aux codes locaux du bâtiment, dit Cosentino, bien que leur efficacité comparative doive être étudiée davantage. Entre temps, les gens peuvent commencer par éteindre les lumières – et pas seulement dans les villes, mais aussi les campagnes.
Source: Hager et al., « Continent-wide analysis of how urbanization affects bird-window collision mortality in North America. » Biological Conservation, 2017.
Image: David Goehring / Flickr