Traduit de l’anglais par Melanie Beauchesne
Les blogues niant les changements climatiques prétendent se baser sur la science, mais en réalité, leur contenu a peu de points communs avec les déclarations faites dans la littérature évaluée par des pairs, rapporte une équipe internationale de chercheurs dans la revue BioScience.
Au lieu de cela, ces blogues construisent leur crédibilité auprès des lecteurs en faisant mutuellement appel à l’autorité de leurs auteurs, en créant ainsi un écho de sources interconnectées.
Les chercheurs ont choisi d’étudier les blogues, car ceux-ci sont devenus des sources d’information importantes dans la conversation sociétale sur les changements climatiques et leurs conséquences. Des études ont montré que certaines personnes font davantage confiance aux blogues qu’elles ne font confiance aux médias journalistiques ou à d’autres sources d’information traditionnelles.
Ils ont ciblé les blogues couvrant les sujets des glaces de l’Arctique et des ours polaires. Bien qu’il existe de nombreuses sources de données sur les changements climatiques, les sceptiques climatiques ont tendance à en attaquer sélectivement un petit nombre, créant ce que les chercheurs appellent des « dominos clés » afin de renverser toute la science climatique par association. Les changements dans l’étendue saisonnière de la banquise arctique et l’état des populations d’ours polaires sont deux de ces sujets.
Les chercheurs ont analysé des déclarations sur les banquises et sur les ours polaires dans 90 différents blogues liés au climat qui couvraient les deux sujets. La moitié de ceux-ci étaient basés sur la science et l’autre moitié niait les changements dus au climat- la catégorisation, à partir des descriptions que les blogues fournissaient d’eux-mêmes, était évidente. Ils ont également analysé le contenu de 92 articles évalués par des pairs sur les ours polaires et les glaces de l’Arctique.
Selon les chercheurs, il y a peu de terrain d’entente sur les discussions à propos des changements climatiques sur Internet. Une technique statistique appelée analyse en composantes principales montre que le contenu des blogues basés sur la science et de ceux qui nient les changements climatiques ne coïncident pas.
« Nous avons trouvé un écart majeur entre les données de la littérature scientifique et les blogues scientifiques d’une part, et d’autre part les opinions exprimées dans les blogues niant les changements climatiques », explique Jeff Harvey, chercheur à l’Institut néerlandais d’écologie et auteur principal de l’étude.
Pratiquement toutes les 44 affirmations sur l’état des glaces de l’Arctique dans les blogues scientifiques indiquent que leur étendue diminue. Mais parmi les 85 mentions de l’état des glaces en Arctique dans les blogues sceptiques, seulement quelques-unes mentionnent leur diminution. Sur ces blogues, environ la moitié des déclarations indiquent que les glaces augmentent ou se rétablissent, et le reste d’entre elles affirment que l’étendue future des glaces est impossible à prédire en raison de la variabilité naturelle.
La plupart des 47 déclarations sur les ours polaires sur les blogues scientifiques affirment que ces mammifères sont menacés par les changements climatiques ; quelques-uns disent que ces animaux pourraient s’adapter aux changements à venir dans l’écosystème arctique. En revanche, seulement quelques-unes des 55 déclarations sur les ours polaires sur les blogues sceptiques en matière de climat disent que ces animaux sont menacés ; la plupart stipulent qu’ils ne sont pas menacés et les autres prétendent qu’ils vont s’adapter.
Les déclarations des blogues fondés sur la science se confirment parfaitement avec celles des articles évalués par les pairs, a montré l’étude. Ce n’est pas si surprenant, puisque les blogues scientifiques renvoient souvent à la littérature scientifique pour étayer leur thèse selon laquelle les changements climatiques réduisent l’étendue des glaces de l’Arctique, menaçant la survie des ours polaires à moyen et à long terme.
Mais le contenu des blogues niant les effets climatiques se réfère très peu à celui de la littérature évaluée par les pairs. Au lieu de cela, « environ 80 % de ces blogues cités dans cette étude se réfèrent à un blogue en particulier – le Polar Bear Science, publié par Susan Crockford – comme principale source de discussion et de débat sur le statut des ours polaires », écrivent les chercheurs. Crockford n’a pas mené de recherche scientifique ni publié dans la littérature révisée par des pairs sur les ours polaires. Elle publie à travers un groupe de réflexion conservateur appelé Global Warming Policy Foundation.
Les chercheurs disent que Crockford et d’autres blogueurs niant les changements climatiques tendent à présenter des résultats scientifiques hors de leur contexte et à les interpréter d’une manière qui jette le doute sur les changements climatiques et leurs conséquences. Par exemple, certains mentionnent que la superficie des glaces de l’Arctique a traversé des cycles de croissance et de décroissance en raison des variations naturelles passées, mais sans reconnaître que selon ces cycles naturels, les glaces en Arctique devraient être en expansion en ce moment.
« Il est temps pour les scientifiques de contrer la désinformation et de s’engager plus directement avec le public », explique M. Harvey. Celui-ci et les autres chercheurs soutiennent que les scientifiques devraient favoriser une compréhension juste de la science du climat en utilisant les médias pour sensibiliser, en facilitant la science citoyenne, et en utilisant les médias sociaux.
Développer un échange plus soutenu entre les chercheurs et le public semble être une excellente idée – nous pourrions en profiter pour accroître le nombre de scientifiques qui parviennent à attirer les lecteurs sur les médias sociaux.
Mais pour un grand nombre de ceux qui rejettent les preuves des changements climatiques, leur opinion est probablement basée davantage sur l’identité politique que sur la rigueur académique. Cela ferait-il une différence pour les lecteurs de blogues sceptiques sur le climat s’ils découvraient que ces sources ne sont pas vraiment basées sur la science ? L’auteure de ce texte n’est pas si sûre.