Traduit de l’anglais par Melanie Beauchesne
À travers l’histoire, des cités et des villes ont souvent été établies le long des rivières, car ces cours d’eau fournissaient une source d’eau potable, d’énergie et de moyen de transport vers d’autres communautés. Les effets de nos colonies sur ces rives – sur les écosystèmes terrestres – sont aisément visibles. Mais puisque nous sommes principalement des animaux terrestres, la transformation par l’urbanisation des environnements sous la surface de l’eau est passée inaperçue.
Récemment, des chercheurs ont entrepris la première étude approfondie sur la façon dont l’infrastructure des villes américaines modifie les rivières et leur biodiversité. Les effets sont importants, ont-ils rapporté hier dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, s’étendant en amont et en aval sur des dizaines, voire des milliers de kilomètres, comme les branches d’une cellule nerveuse.
Les chercheurs ont entré des données sur l’hydrologie des rivières de la U.S. Geological Survey dans un modèle informatique pour déterminer les effets de la transformation des terres urbaines, de la production d’énergie électrique et de l’approvisionnement municipal en eau sur les rivières à travers la nation. Ils ont également recueilli des informations d’une base de données détaillée sur la distribution des espèces afin d’évaluer la biodiversité des poissons d’eau douce, des moules et des écrevisses dans les eaux affectées par les zones urbaines.
Les principaux impacts proviennent de l’étendue urbaine terrestre et de la production d’électricité, ont révélé les chercheurs. Ces aspects de l’infrastructure ont modifié au moins 7 % de la longueur totale des cours d’eau et des rivières dans les États contigus. « Bien que ces valeurs puissent ne pas sembler très élevées, elles ont des impacts très importants sur la biodiversité », écrivent les chercheurs.
L’infrastructure urbaine affecte 60 % de toutes les espèces d’eau douce, de moules et d’écrevisses en Amérique du Nord, représentant en tout 1 200 espèces. Celle-ci a contribué à l’extinction locale de 260 espèces, parfois même dans des ruisseaux éloignés des limites de la ville. Elle affecte également 970 espèces indigènes existantes, dont 27 % sont menacées ou en voie d’extinction.
« Les villes peuvent avoir un impact sur des régions très étendues en raison de l’intensité des demandes en ressources », écrivent les chercheurs. Par exemple, l’infrastructure de l’énergie et de l’eau de la ville d’Atlanta, en Géorgie, s’étend sur quatre grands bassins fluviaux.
De plus, les impacts de l’infrastructure urbaine sont souvent aggravés par le fait que plusieurs villes peuvent être situées en bordure de la même rivière. Vingt et une villes se situent le long des cours d’eau en aval d’Atlanta.
Étonnamment, les chercheurs ont cependant trouvé peu de liens entre la taille d’une ville et la gravité de ses effets sur les rivières. L’infrastructure d’Atlanta affecte 12 500 kilomètres de cours d’eau et a contribué à 100 extinctions locales d’espèces d’eau douce. La ville de Las Vegas au Nevada, a une population de taille similaire, mais a un impact sur moins de 1000 kilomètres de cours d’eau et n’a contribué qu’à sept extinctions locales.
Certaines de ces différences ont trait aux variations dans la disposition des courants d’eau et au nombre d’espèces trouvées dans l’Est par rapport à l’Ouest des États-Unis. Mais les résultats suggèrent également que, à mesure que la ville grandit, sa zone d’impact hydrologique ne doit pas nécessairement s’étendre avec elle. Par exemple, les villes pourraient vérifier leur impact sur les rivières en gérant mieux les flux de tempête ou en choisissant des sources d’énergie électrique qui minimisent l’utilisation de l’eau.
Certes, de telles stratégies impliqueraient probablement des compromis à faire (par exemple, les choix à faible impact sur les rivières peuvent avoir des répercussions plus importantes sur un autre habitat). Néanmoins, l’idée que les gouvernements des villes puissent non pas seulement causer des dommages écologiques, mais aussi contribuer à l’intégrité écologique et ce bien au-delà des limites de la ville, semble être une bonne nouvelle dans un monde en urbanisation.
Source: McManamay R. et al. “US cities can manage national hydrology and biodiversity using local infrastructure policy.” Proceedings of the National Academy of Sciences. 2017.